Collectif & Jean-Francois Bayart 
La greffe de l’Etat 

Dans ses institutions contemporaines, l’Etat est volontiers considere comme un produit d’importation en Afrique et en Asie. De fait, son edification sous cette forme particuliere, est le fruit de l’expansion imperialiste de l’Occident et du processus communement qualifie de globalisation ou de mondialisation . Mais cette greffe s’est-elle soldee par un echec, comme on l’affirme souvent ?Cette question, apparemment trs acadmique, est en ralit sous-jacente la plupart des grands mobilisations qui secouent le monde et meuvent l’Occident : l’avortement de la revendication dmocratique dans nombre de pays du Sud, la pousse de l’islamisme, la monte en puissance du nationalisme hindou, le dchanement de guerres identitaires dont les oprations de purification ethnique semblent tre la conclusion logique. Il est tentant de voir dans de tels phnomnes une confirmation supplmentaire de l’impossibilit de la greffe de l’tat. Et pourtant certaines de ces pripties poursuivent paradoxalement l’universalisation des lments fondamentaux de la civilisation occidentale.Au lieu de s’en tenir ce dbat sur la sociologie de l’export-import du politique, il vaut mieux s’interroger sur les processus concrets de formation de l’tat. Il n’est pas sr que les trajectoires du politique en Asie et en Afrique puissent tre ramenes une formule commune d’universalisation, de l’occidentalisation, de globalisation ou, au contraire, de la singularit. En revanche, leur mise en perspective comparative, partir des cas du Maghreb, d’Isral, de l’Inde et de la Chine, ouvre la voie une problmatisation renouvele de l’tat. La plupart des dbats qui l’agitent et dfrayent la chronique renvoient son historicit. Pour mieux dchiffrer ceux-l, il nous faut d’abord mieux comprendre celle-ci.